“Je n’ai pas de prénom” a été le constat vertigineux que j’ai fait un jour. Ou plutôt, je n’en avais plus. Le prénom mort collait et dégoulinait sur ma peau. Mélodie devenue dissonante. Aiguë, stridente, lourde. Trop féminine.
Un nom, c’est genré. Mais un nom, on peut en changer. En changer. Oui, mais lequel ? Comment choisir ? Comment s’autodéterminer ?  
Entre rencontres avec ma communauté, quête de liberté et réalité des lourdeurs administratives, La Peau du Prénom est l’histoire de ma poursuite obsessionnelle d’un nouveau prénom, étape essentielle à mon cheminement et ma transition. C’est le témoin d’un questionnement de genre, qui d’une forme plurielle et éclectique, raconte un parcours queer non binaire. [Lyoz] est une composition, une histoire intime et sensible, un coming out, un plongeon entre les genres, invitant chacun·e à interroger cette construction sociale. 
[ Paul B. Preciado, sans doute le penseur contemporain de la transition et du gender fluid le plus cohérent et le plus visionnaire, explique comment l’une des étapes les plus fondamentales du processus transitionnel est de se trouver un nom, un nom dont on devient pleinement responsable, un nom créé, un nom dont on est l’auteur.e pour remplacer celui auquel on a été passivement assigné.e à la naissance en fonction de nos caractéristiques sexuelles.       
Le prénom « Lyoz » provient d’une construction étymologique issu du grec ancien qui signifie « dissocié.e par nature ». Ce nom choisi ne gomme donc pas le passage d’une binarité à l’autre (de fille à garçon) mais au contraire garde la trace de l’indétermination, de la latence, presque du jeu avec ce qu’on est (naît) avec qui on est (naît), avec comment on est (naît). 
 Le mouvement du livre La Peau du Prénom est le mouvement de cette autonomisation, le mouvement d’un être, d’un corps, pour s’extraire d’un prénom-symptôme (symptôme d’un certain système de distribution des êtres) et se doter d’un prénom affranchi. C’est le passage – grâce à la photographie qui y est explorée comme un médium queer, fluide, déclassifiée - d’un état défensif à un état actif (envers soi-même, les autres et l’État), c’est la prise en main de sa représentation propre, de l’image que l’on donne, que l’on se donne et pour laquelle on plaide.                                                                                                                                                   
Le livre, à travers sa liberté et la multiplicité de ses états visuels, construit la narration inédite d’un advenir à soi qui part d’Audrey et du constat que c’est un non-nom, un nom qui manque sa cible, inadapté à la personne qui le porte, pour arriver à Lyoz dans un rayonnement solaire et de gratitude d’avoir enfin pu changer, bouger et surtout, de rester en mouvement, d’être queer. D’un prénom à l’autre, Lyoz aura dû opérer un voyage initiatique d’une année dont La Peau du Prénom est l’écho d’une recherche, d’une quête, le reflet d’un puzzle en train de se faire. … ]

Extrait remanié _ Anne-Françoise Lesuisse
Décembre 2022